Programme

Restauration de la façade du Musée Lapidaire

Rapport d'intervention des travaux de restauration de la façade du musée Lapidaire par Michel Silvestre

Responsable du service de conservation des monuments historiques

 
"La Chapelle des Jésuites qui fut si lentement construite nous est parvenue aujourd'hui à peu près intacte.

Le début des travaux commença vers 1620 et furent achevés en 1645. Elle fut consacrée en 1655. On travaille encore à la façade en 1661.

La façade est à deux étages d'ordonnance corinthienne. La partie supérieure est épaulée d'ailerons et le fronton triangulaire porte l'écusson de la compagnie de Jésus.

Les niches aujourd'hui vides contenaient les statues de saints jésuites.

Cette façade haute de 35 mètres et de 25 mètres de large est admirablement composée et l'élément architectural marquant est une corniche armée de denticules, d'une grasse doucine qui se développe sur deux rangs de larmiers. Ce geste architectural habille la totalité de la largeur de la façade.

Cet élément de décors est rappelé à l'intérieur de la nef.


Le plan de l'église est celui des plans méridionaux qui peut être comparé à certaines églises méridionales et comporte une nef unique pour que le prêtre soit vu et entendu de tous les fidèles.

Ce qui est nouveau dans la construction de ce bâtiment c'est la voûte d'arêtes qui couvre la nef unique.

Les jésuites qui ont été expulsés en 1768 ont été remplacés par les Bénédictins puis par des Doctrinaires.

Après la révolution, les églises furent rendues aux cultes comme la chapelle du lycée en 1857, puis transformée en Musée Lapidaire en 1933. Ce bâtiment fut classé monument historique en 1928.

Une première campagne de restauration de la façade fut entreprise en 1974.

Les travaux d'entretien pour la restauration de la façade ont débuté en septembre 2007. Cette intervention se révélait nécessaire compte tenu de l'état d'encrassement des parements par la pollution atmosphérique, la poussière, les gazs, les pigeons favorisé par la nature même de la pierre tendre avec laquelle le bâtiment a été construit. En effet cette pierre locale est composée d'un grain peu serré, mi-dure, qui réagit mal aux intempéries. D'autre part, un bâtiment aussi ouvragé, barré par une corniche très proéminente de plus d'un mètre de large bloque les remontées de gazs et favorise en partie inférieure de l'édifice les altérations. Et c'est ainsi que la partie supérieure du bâtiment moins exposée au soleil présentait un état plus clair et était moins encrassée. Par contre d'autres phénomènes sont apparus dans cette partie haute du bâtiment et notamment le gel, qui a eu comme conséquence de faire éclater la pierre ; celle ci fut sollicitée par des amplitudes thermiques importantes.

Il a fallu donc lors des travaux de restauration vérifier le bon état des parements et sculptures. Il est apparu une large fissure verticale démarrant de l'appui de la baie supérieure qui éclaire la nef jusqu'au portail d'entrée.

Ce coup de sabre révélait un désordre de maçonnerie qui pouvait s'avérer très inquiétant si aucune intervention n'était entreprise. Pour mieux connaître l'état des parements de la façade et celui de ses éléments décoratifs, le système retenu pour leur nettoyage a été de projeter une boue argileuse facilement lavable qui après vingt quatre heures de séchage a été enlevée à l'eau claire. Lors de sa dissolution les salissures ont disparu. Après l'application de ce peeling un grand nombre de détails nous est apparu.

Il a donc fallu reprendre les moulures et les sculptures. Cette intervention a été effectuée avec soin et quelques détails sont éloquents comme le montrent les photos : les têtes d'anges situées de part et d'autre des ailerons de la façade regardent avec sérénité l'axe de la rue de la République.

Leur état avant l'intervention montre leurs visages rongés par le vent. Un grand nombre de moulures est notamment les cordons de pierres situés à la hauteur supérieure de la baie sont rongés par les eaux de ruissellement, par le vent et le gel. Une reprise partielle de ces éléments a été entreprise pour les conforter afin d'éviter un refouillement dans la pierre. La technique retenue pour cette restauration a été l'emploi d'un liant d'artopierre armé par des fils de laiton et dont la granulométrie fut mélangée entre des grains fins et des grains moyens teintés dans la masse par des colorants naturels. Une technique identique a été employée pour la restauration d'autres éléments de sculpture agressés. Nous avons évité de changer un trop grand nombre de pierres. Seuls les éléments menaçant ruines ont dû être remplacés notamment les parties courbes des retours d'ailerons au Nord, des retours de corniches manquantes, quelques pierres plates creusées par l'humidité et le gel devenues friables furent changées par incrustation ainsi que les parties manquantes de corniches secondaires qui furent refaites (voir photos).

Lorsque le nettoyage des éléments moulurés a été terminé, certains détails de l'intervention des sculpteurs de l'époque sont apparus. Des traces de leurs outils furent ainsi visibles sur la corbeille de fruits finement sculptée. Les angelots qui ont du être rescellés après le nettoyage se sont révélés très fragiles, les bras s'étaient désolidarisés du corps. Quant à la mâchoire du lion qui encadre la porte d'entrée, cette dernière était tombée. Les guirlandes de fruits nettoyées, situées au dessous des niches et des baies ont contribué à la richesse du décor. Tous ces éléments d'une grande finesse ainsi nettoyés ont redonné à ce bâtiment majeur un nouvel éclat à la qualité de notre patrimoine".