Le guerrier de Vachères


Avant la conquête de la Gaule par César, l'art gaulois était purement ornemental ou décoratif. La seule exception s'est située en Provence qui a crée l'art de la sculpture en représentant dans ses sanctuaires des guerriers héroïsés. Cette statuaire recherche l'esthétique au travers d'un réalisme figuratif.

Selon les historiens, c'est de cet art ligure qu'on peut rapprocher la magnifique statue de guerrier gaulois découverte à Vachères, en plein centre de la Haute Provence et achetée par la Fondation Calvet au milieu du XIXe siècle.

Plus précisément, découverte sur « le tracé d'un chemin de fortune, au niveau d'une terrasse de culture, sur laquelle on exploitait de la « terre blanche » pour la construction. La grosse pierre qui gênait le passage des charretiers se révéla être une statue. On ignore encore le lieu exact de la découverte.

Aujourd'hui elle est conservée au Musée Calvet et ce depuis 1892.

Vêtement et armement permettent d'identifier le guerrier de Vachères comme un soldat de l'Epoque d'Auguste en tenue d'apparat. L'équipement militaire typiquement romain est pourtant d'inspiration celtique. En effet, cette statue représente un guerrier portant la torque gaulois autour du cou, habillé d'une longue cotte de mailles, une main posée sur un glaive, l'autre sur un bouclier. La tête est coiffée de grandes mèches de cheveux rebelles, la bouche est ouverte vers l'extérieur et les yeux sont expressifs.?Selon des études récentes, cette œuvre serait une statue funéraire présentée dans la niche d'un mausolée, comparable, par exemple à celui de Glanum à Saint-Rémy-de-Provence. Cette hypothèse ne pourra se confirmer que lors des prochaines explorations archéologiques et par l'identification du lieu de découverte exacte.



Texte de Nicolas Rouzeau - Ingénieur d'étude au Service Régional d'Archéologie (DRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur)

Le guerrier de Vachères, pérégrin auxiliaire de l'armée romaine, porte un torque signifiant son haut grade. Cette personnalité gauloise sans doute morte au combat se devait d'apparaître à sa descendance sous sa forme héroïsée dans un édifice à la hauteur de la fonction : cénotaphe, pile, mausolée...
Aucun monument d'envergure correspondant typiquement à ce type mémorial n'a été découvert malgré les recherches nombreuses qui ont eu lieu à Vachères, son lieu de découverte (G. Barruol).

Pour « l'auxiliaire » de Vachères, titre qui convient mieux que celui de « guerrier » l'attraction de s'incorporer dans l'armée romaine était le moyen d'obtenir la citoyenneté romaine, lui qui était qu'un simple pérégrin d'une civitas foederata. Le prestige de cette promotion sociale devait se porter sur sa descendance. Il était contemporain du père de Trogue Pompée qui lui l'avait hérité de son père qui avait servi aussi comme auxiliaire dans l'armée de Pompée en Espagne. L'auxiliaire de Vachères a pu s'enrôler dans l'armée après les accords de Brindes qui confient l'ensemble des Gaules à Octave qui confie à Agrippa la gouvernance. Dans les années -38 il est vainqueur des Aquitains et mène des opérations sur le Rhin. Le séjour d'Agrippa en Gaule va de fin -40 à -37 où il est rappelé pour mener la guerre contre Sextus Pompée. Ces victoires obtenues en Gaule durant la première période de la guerre civile du II e Triumvirat conforte le prestige d'Octave. C'est peut être dans ce contexte que notre « auxiliaire » de Vachère a pu recevoir la distinction du « torque d'or » des mains d'Agrippa qui le 1er janvier -37 revêt le consulat pour la première fois. (Pierre André)

Une telle statue aurait pu également être façonnée in situ dans la roche tertiaire du bourg de Vachères comme le laisse supposer l'absence des membres inférieurs et la facture dorsale qui est généralement entendue, sans arguments certains, comme ayant subi les dommages de la charrue. Cette hypothèse, mérite une comparaison visuelle de la roche mère avec celle constituant le gaulois et, le cas échéant une reconnaissance par lecture micromorphologique.

L'hypothèse sur laquelle nous travaillons est celle de l'existence d'un mausolée de 6,14 m de coté qui est susceptible par ses dimensions d'avoir reçu le personnage, et par son style d'appartenir à la période pré-augustéenne. L'homme au torque a-t-il été sculpté de son vivant ou plus probablement de sa mort, sur le souvenir de ses proches ou selon un masque mortuaire ou plus probablement à partir d'un plastron de plâtre, d'un masque funéraire de cire ou d'une imago pintura, réalisée par un artiste des armées.
De par son statut, le gaulois - peut-être romanisé - avait sûrement faculté de se faire incinérer sur ses propriétés, et faire entretenir a la fois son mausolée, l'enclos funéraire de ses proches et valets, voire un bâtiment réservé aux parentalia ?

Les prospections menées grâce à la Fondation Calvet par le service régional de l'archéologie avec le concours de Dominique Peyric, archéologue, ont montré à quel point le sous-sol des plateaux arides était éliminé par plaques de plusieurs décimètres pour profiter de la marne interstitielle propre à la mise en culture lavandin.
A la ferme du Jas, en particulier, les sondages ont montré que les vestiges romains hachés par les façons agricoles, ont été déplacés à l'occasion de dérochements, et gisent hors de leur contexte positionnel. L'emplacement précis de la découverte initiale du gaulois n'est pas assuré et donne lieu à diverses conjectures. La plus fiable, défendue par Guy Barruol, est celle de ce lieu que nous avons exploré, au lieu-dit « le Gendarme », toute une histoire.

L'inventaire mené cette année pour conduire à la publication du « Guerrier », est la première étape de la recherche que nous proposons de réaliser pour expliquer l'environnent politique d'un témoin majeur de la fin de la civilisation des oppida, au profit du confinement du peuple vaincu dans les basse-cour des villae romaines.
Comment le gaulois, sans doute installé face au mont Ventoux dominait-il ses terres et jusqu'où s'étendaient elles. Quelle était la nature de la voie de crête près laquelle sa famille l'a installée entre la via domitia et le sanctuaire de hauteur remarquable de Lardiers. D'où tirait-il sa richesse, sur un point connu comme l'une des quatre drailles de transhumance empruntées encore au XVe siècle depuis la Crau ?

La proposition de résolution concerne d'abord la fouille de deux points repérés comme ayant livré des architectures et des stèles épigraphiques à proximité de la découverte de la statue : l'un à Vachères, l'autre à Sainte-Croix à Lauze. En second l'examen en stratigraphie des dépôts du supputé oppidum révélé par la prospection au plus près du guerrier. Enfin, un sondage du dépôt de pente du site du Chastella(r)s de Lardiers servira à caler les étapes chronologiques de l'occupation de cette partie atypique du territoire des Voconces, et la recherche d'une possible route du mouton et de son sanctuaire.

Une équipe d'une vingtaine d'étudiants en formation au Centre Camille Julian, guidés par le personnel du service régional de l'archéologie et un chercheur « post-doctorants » du CJJ, avec le concours du Parc naturel du Luberon, un géologue et un architecte du patrimoine antique, peut en quatre années apporter une résolution précieuse sur l'environnement du gaulois de Vachères.

Ce travail, qui sera rendu possible grâce à l'engagement des archéologues bénévoles regroupés à l'échelon cantonal auprès du musée de Vachères, est ouvert à la formation des étudiants en médiation du patrimoine.

Une convention d'intervention pourra être proposée aux municipalités pour encadrer des jeunes dans le cadre du service civique : Site Internet


La publication de ces résultats trouverait sa place dans le volume de la publication animée par la Fondation Calvet.

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La Fondation Calvet poursuit sa participation à l'étude et la valorisation de « cet aspect méconnu de la romanisation » comme elle l'a déjà fait en 2009 en finançant les travaux de sondages dans la zone de découverte du Guerrier de Vachères.

 

S'agissant de l'acquisition du Guerrier de Vachères :


Autres délibérations concernant le Guerrier de Vachères :