La préhistoire

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À la recherche du plus ancien habitant d’Avignon

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Nous vous proposons de partir à la redécouverte d'une sépulture préhistorique, mise à jour il y a 35 ans dans le quartier de la Balance, à Avignon. Son étude, actuellement en cours, pourrait modifier la date de présence des groupes humains sur le territoire actuel d'Avignon de quelque mille ans.
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C'est en juin 1974, lors d'une opération de sondage menée dans le secteur de l'ilot P, situé dans le vieux quartier de la Balance, alors en pleine démolition, qu'eut lieu la découverte d'une sépulture contenant un squelette humain. Le crâne et le bras gauche manquaient, probablement emportés lors de la construction des infrastructures, datant des époques gallo-romaine et médiévale, qui jouxtaient le lieu d'inhumation.

Lors de la découverte, aucun mobilier n'avait été signalé. Seules des traces d'ocre, ainsi que de nombreuses colombelles (voir photo), avaient permis à Sylvain Gagnière et Jacky Granier, les découvreurs, de proposer de dater ce squelette de l'âge méso-néolithique.

Précautionneusement, la sépulture fut prélevée en bloc, avec les sédiments d'origine, des alluvions du Rhône formés depuis environ 8000 ans av. J.C. Un coffrage en bois la protégeait ; le tout, pesant près de 400 kg, fut déposé au musée Calvet. Pendant vingt-cinq ans, l'ensemble fut exposé tel quel, dans nos salles dédiées à la Préhistoire vauclusienne.

Ce n'est que tout récemment, à l'occasion de sa thèse d'Anthropologie, que Mlle Aurélie Zeymour sollicita la conservation afin de mener l'étude complète de cette structure funéraire exceptionnelle. En effet, pour toute la France méridionale, seules dix à douze sépultures datant du Néolithique ancien (Cardial) sont connues.

Afin de faciliter le travail de recherche, le bloc entier fut transporté à Marseille, dans l'atelier du patrimoine de la Ville, UMR 6130 CEPAM. L'emploi des méthodes et des technologies les plus avancées, en biophysique et en chimie, a pu ainsi être programmé.
L'enregistrement des opérations de fouille a été effectué à l'aide d'un laser-scanner 3D. Il permet la modélisation tridimensionnelle de la position des différents éléments de la parure, ainsi qu'une meilleure compréhension de la position du sujet.

D'ores et déjà, Aurélie Zeymour et son équipe sont arrivés à quelques conclusions. L'âge du défunt est compris entre 20 et 49 ans. C'est un homme. Il devait mesurer 1m 67 environ et reposait sur le côté gauche, selon un axe orienté NNW/SSE. Le visage, disparu, devait regarder vers l'Est, vers le soleil levant. C'est une pratique courante dans les rites funéraires connus pendant la Préhistoire. Le corps a été placé en position repliée, les jambes ramenées vers le bassin. Cette opération n'a pu se dérouler que peu de temps après le décès, avant que le cadavre ne se rigidifie.

Ce qui a frappé (et surpris) les fouilleurs, c'est l'abondance des éléments de parure présents dans la terre, tout autour du corps. Pas moins de 160 colombelles, petits mollusques marins, ont été retrouvées, mais aussi 16 dents de cerf mâle ou craches. La plupart des coquillages présentent des traces d'ocre et devait former un ensemble cohérent. Les colombelles sont en effet rangées linéairement sur une bande de 15 cm de largeur et remontent tout le long du corps. La présence des craches est une grande surprise. Elle témoigne que notre homme était, au moins en partie, chasseur.


Au terme d'une étude approfondie, l'équipe de fouille a pu établir qu'elles servaient à nouer le vêtement qui entourait le cadavre replié sur lui-même ! Ce vêtement devait avoir deux pans, côté droit et côté gauche. Il devait s'agir d'une peau servant à se protéger du froid et de la pluie, que le sujet a portée durant sa vie. Sur ses bords, on trouvait donc 16 craches, appariées deux par deux, ce qui permettait de lasser les deux pans à l'aide d'un ruban, en cuir ou en matière végétale.

Ainsi « drapé », notre défunt a été placé par ses congénères au bord du grand fleuve et, son visage dirigé vers le soleil levant, confié à la garde du temps qui nous l'a conservé...

 

Extrait du journal Infos n°10 du Musée Calvet